L'hebdo de l'actualité sociale - spécial loi 35 heures
[Retour sommaire]
Les cadres
Chapitre III

Dispositions relatives aux cadres

Article 11
Le chapitre II du titre Ier du livre II du Code du travail est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5
« Dispositions particulières relatives aux cadres

« Art. L. 212-15-1. - Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du titre Ier et aux chapitres préliminaires, Ier et II du titre II du livre II. Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou leur établissement.

« Art. L. 212-15-2. - Les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche ou du premier alinéa de l’article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, occupés selon l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés et pour lesquels la durée de leur temps de travail peut être prédéterminée, sont soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, au repos et aux congés des chapitres II et III du titre Ier et à celles du titre II du livre II.

« Art. L. 212-15-3. - I. - Les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche ou du premier alinéa de l’article 4 de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et qui ne relèvent pas des dispositions des articles L. 212-15-1 et L. 212-15-2 doivent bénéficier d’une réduction effective de leur durée de travail. Leur durée de travail peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. La conclusion de ces conventions de forfait doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement qui détermine les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d’être conclues. À défaut de convention ou d’accord collectif étendu ou de convention ou d’accord d’entreprise ou d’établissement, des conventions de forfait en heures ne peuvent être établies que sur une base hebdomadaire ou mensuelle.
« II. - Lorsque la convention ou l’accord prévoit la conclusion de conventions de forfait en heures sur l’année, l’accord collectif doit fixer la durée annuelle de travail sur la base de laquelle le forfait est établi, sans préjudice du respect des dispositions des articles L. 212-1-1 et L. 611-9 relatives aux documents permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié. La convention ou l’accord, sous réserve du respect des dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4, peut déterminer des limites journalières et hebdomadaires se substituant à celles prévues au deuxième alinéa des articles L. 212-1 et L. 212-7, à condition de prévoir des modalités de contrôle de l’application de ces nouveaux maxima conventionnels et de déterminer les conditions de suivi de l’organisation du travail et de la charge de travail des salariés concernés et sous réserve que cette convention ou cet accord n’ait pas fait l’objet d’une opposition en application de l’article L. 132-26.
« La convention ou l’accord peut également préciser que les conventions de forfait en heures sur l’année sont applicables aux salariés itinérants non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
« III. - La convention ou l’accord collectif prévoyant la conclusion de conventions de forfait en jours ne doit pas avoir fait l’objet d’une opposition en application de l’article L. 132-26. Cette convention ou cet accord doit fixer le nombre de jours travaillés. Ce nombre ne peut dépasser le plafond de deux cent dix-sept jours. La convention ou l’accord définit les catégories de salariés concernés pour lesquels la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu’ils exercent et du degré d’autonomie dont ils bénéficient dans l’organisation de leur emploi du temps. La convention ou l’accord précise en outre les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos. Il détermine les conditions de contrôle de son application et prévoit des modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés concernés, de l’amplitude de leurs journées d’activité et de la charge de travail qui en résulte. L’accord peut en outre prévoir que des jours de repos peuvent être affectés sur un compte épargne-temps dans les conditions définies par l’article L. 227-1.
« Les salariés concernés ne sont pas soumis aux dispositions de l’article L. 212-1 et du deuxième alinéa de l’article L. 212-7. Les dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4 leur sont applicables. La convention ou l’accord doit déterminer les modalités concrètes d’application de ces dernières dispositions.
« L’employeur doit tenir à la disposition de l’inspecteur du travail, pendant une durée de trois ans, le ou les documents existant dans l’entreprise ou l’établissement permettant de comptabiliser le nombre de jours de travail effectués par les salariés concernés par ces conventions de forfait. Lorsque le nombre de jours travaillés dépasse le plafond annuel fixé par la convention ou l’accord, après déduction, le cas échéant, du nombre de jours affectés sur un compte épargne-temps et des congés payés reportés dans les conditions prévues à l’article L. 223-9, le salarié doit bénéficier, au cours des trois premiers mois de l’année suivante, d’un nombre de jours égal à ce dépassement. Ce nombre de jours réduit le plafond annuel de l’année durant laquelle ils sont pris.
« Art. L. 212-15-4. - Lorsqu’une convention de forfait en heures a été conclue avec un salarié relevant des dispositions des articles L. 212-15-2 ou L. 212-15-3, la rémunération afférente au forfait doit être au moins égale à la rémunération que le salarié recevrait compte tenu du salaire minimum conventionnel applicable dans l’entreprise et des bonifications ou majorations prévues à l’article L. 2125.
« Lorsque le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours en application des dispositions du III de l’article L. 212-15-3 ne bénéficie pas d’une réduction effective de sa durée de travail ou perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, ce dernier peut, nonobstant toute clause contraire, conventionnelle ou contractuelle, saisir le tribunal afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi eu égard notamment au niveau du salaire minimum conventionnel applicable ou, à défaut, de celui pratiqué dans l’entreprise, et correspondant à sa qualification. »
 
Nos commentaires
Classement des cadres en trois catégories
Les salariés rentrant dans la catégorie « cadres dirigeants » doivent répondre à trois critères : un niveau de responsabilité impliquant une grande indépendance dans la gestion du temps de travail, l’autonomie dans la prise de décision, et une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés. La loi légalise ici, sans pour autant les nommer, les forfaits « tous horaires ». Cette catégorie de salariés échappe à l’ensemble de la réglementation du temps de travail, exception faite des congés payés et du repos des femmes en couche. Elle n’est pas concernée par la réduction du temps de travail. Même si la loi n’en fait pas une obligation, les négociateurs ont tout intérêt à affiner la définition légale de cette catégorie de cadres, afin d’en limiter l’accès.
La deuxième catégorie de cadres est composée de salariés ayant la qualité de cadres au sens de conventions collectives de branche, qui sont soumis à l’horaire collectif applicable au sein de leur atelier, service ou équipe, et dont la durée du temps de travail peut être prédéterminée. Ces cadres sont soumis à toutes les dispositions légales relatives à la durée du travail, et bénéficient de la réduction du temps de travail. Ils peuvent être liés par des conventions de forfait établies sur la base de 35 heures, dans le respect des règles jurisprudentielles (nombre d’heures supplémentaires déterminé, rémunération au moins égale à celle que le salarié aurait perçue compte tenu des majorations légales pour heures supplémentaires, paiement des heures supplémentaires excédant celles qui sont prévues au contrat).
Enfin, la dernière catégorie regroupe les cadres qui ne relèvent d’aucune autre. Ceux-ci doivent bénéficier de la réduction du temps de travail. Leur durée du travail peut être fixée par une convention de forfait individuelle établie sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. La mise en place de forfaits annuels, en heures ou en jours est subordonnée à la conclusion préalable d’un accord collectif de branche, d’entreprise ou d’établissement.

Les forfaits annuels en heures
Le nombre d’heures comprises dans ce forfait, qui peut s’adresser notamment aux salariés itinérants non cadres, n’est pas fixé par la loi. Toutefois, notons que les entreprises mettant en place des forfaits comprenant au maximum 1 600 heures seront éligibles aux aides de l’État. Le décompte des heures doit être fait et mis à disposition de l’inspection du travail. En cas de litige portant sur le nombre d’heures effectuées, il reviendra à l’employeur et au salarié d’apporter des éléments de preuve.
L’accord mettant en place ce type de forfait pourra déroger aux limites journalières et hebdomadaires légales. Le forfait pourra donc comprendre des journées supérieures à 10 heures et des semaines supérieures à 48 heures. Dans cette hypothèse, l’accord devra prévoir des modalités de contrôle de l’application de maxima et déterminer les conditions de l’organisation du travail et de la charge de travail des salariés concernés. En outre, étant considéré comme dérogatoire, l’accord ne devra pas avoir fait l’objet d’une opposition.
La rémunération des salariés doit être au moins égale au salaire minimum conventionnel complété par les bonifications et majorations pour heures supplémentaires.

Les forfaits annuels en jours
L’accord collectif mettant en place les forfaits annuels en jours ne pourra être appliqué qu’en l’absence d’opposition syndicale.
Ces forfaits sont réservés aux salariés dont la durée du travail ne peut être prédéterminée du fait de leurs fonctions, de leurs responsabilités et de leur degré d’autonomie. Il revient aux négociateurs de fixer des critères plus précis. Ces salariés pourront travailler au maximum 217 jours par an. Ils bénéficient du repos journalier de 11 heures minimum et du repos hebdomadaire d’un jour minimum après six jours de travail, mais ne sont pas soumis aux limites journalières et hebdomadaires. Leurs journées de travail pourront donc s’étendre jusqu’à 13 heures.
Les repos pourront être pris par journées ou demi-journées, à charge des négociateurs d’indiquer si c’est à la convenance du salarié ou à l’initiative de l’employeur.
Même si un suivi de la charge de travail doit être organisé, la réduction du temps de travail est loin d’être acquise pour ces salariés, qui pourront affecter leurs jours de repos à un compte épargne temps et reporter leurs jours de congés payés dans certaines conditions.
Leurs jours de travail doivent néanmoins être comptabilisés, et sont susceptibles d’être contrôlés par l’inspection du travail pendant trois ans. Théoriquement, les salariés devront prendre en début d’année les jours de repos correspondant aux jours de travail effectués l’année précédente et dépassant le plafond. Les salariés qui estiment ne pas bénéficier d’une réduction effective de leur temps de travail, ou percevoir une rémunération sans rapport avec les contraintes de leur emploi, pourront s’adresser au conseil des prud’hommes, lequel pourra ordonner, le cas échéant, le versement d’une indemnité.