Usage et engagement unilatéral de l’employeur

Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT

L'employeur peut accorder aux salariés certains droits sans pour cela conclure un accord collectif. Ces droits peuvent résulter d'un usage, d'un engagement unilatéral de l'employeur, ou d'un accord atypique. La modification ou la suppression de ces usages ou engagements a été encadrée par la jurisprudence.

USAGE

¨    2079 Définition.

Un usage est une pratique de l'employeur qui confère un avantage aux salariés et qui présente les caractères de généralité, constance et fixité.

Par généralité, il faut entendre « avantage non individuel ». Pour qu'il y ait usage, l'avantage doit être collectif. Il doit donc être reconnu soit à l'ensemble des salariés, soit à une catégorie ou un groupe de salariés déterminés (Cass. soc.. 28 févr. 1996, n° 93-40.883. Duprez c/Bioteau).

Le caractère de stabilité, ou de constance, impose que l'avantage ait été attribué à plusieurs reprises. La notion même d'usage impose qu'il y ait une répétition et que l'avantage ait été attribué au moins deux fois. même si les tribunaux exigent généralement une répétition plus importante. L'unique versement d'une prime est insuffisant pour qu'il en résulte un usage {Cass. soc.. 13 févr. 1996. n° 92-45.247. SA SARP c/Morantin). En revanche, une prime versée pendant quatre années, même si elle n'a jamais été portée sur le bulletin de salaire, est due (Cass. soc. 28 févr. 1996. n° 93-40.883. Duprez c/Bioteau).

Un usage doit être fixe. Le versement, même régulier, d'une prime qui ne dépend d'aucun critère fixe et précis et dont le montant a toujours été variable ne peut constituer un usage (Cass. soc., 13 mars 1996. n° 93-40.782. Ferreira c/Sté Roger Junca). En revanche, l'usage peut être établi si le mode de calcul de la prime est fixe mais que son montant est variable (prime de résultat par exemple). De même, lorsqu'il est constaté que l'entreprise a toujours accordé des hausses de salaires indexés sur l'évolution du taux des rentes d'accident du travail, l'existence d'un usage est établie (Cass. soc.. 16déc. 1998. n° 95-40.385. FNATH c/Faurie et a.).

¨    2080 Preuve de l'usage.

C'est au salarié qui demande l'application d'un usage qu'il revient d'apporter la preuve de son existence. Cette preuve peut être apportée par tout moyen (affichage dans l'entreprise, témoignages, documents écrits, bulletins de paie...). L'employeur ne peut refuser d'appliquer un usage dont l'existence est prouvée sauf à démontrer que cet usage a été dénoncé (voir n° 2085).

ENGAGEMENT UNILATÉRAL DE L'EMPLOYEUR

¨    Définition.

L'employeur peut prendre, vis-à-vis des salariés, un engagement de faire (verser une prime par exemple), ou de ne pas faire (ne pas licencier pendant un certain délai).

Cet engagement peut résulter :

·         d'une décision prise devant l'ensemble du personnel (Cass. soc.. 22janv. 1992. n° 89-42.841. Sté Clinique Saint-Tronc c/lste) :

·         d'une décision prise devant le comité d'entreprise ou une autre institution représentative du personnel :

·         d'un protocole de fin de conflit ;

·         d'une clause de règlement intérieur accordant des droits aux salariés dans une matière autre que la discipline et l'hygiène et la sécurité (Cass. soc.. 7 juin. 1998. n° 96-42.521. Rancurel c/Ligue de l'enseignement et de l'éducation permanente) ;

·         d'une note de service ou de la direction des ressources humaines ;

·         d'une manière générale, de toute manifestation de volonté de l'employeur à l'égard de l'ensemble des salariés.

L'engagement unilatéral doit être appliqué en respectant les conditions qu'il prévoit. Toutefois, seule une clause précise définissant objectivement l'étendue et les limites de l'obligation souscrite par l'employeur peut constituer une condition d'application d'un engagement unilatéral de l'employeur. Ainsi, un employeur ne peut subordonner le versement d'une prime de fin d'année aux « résultats économiques suffisants » de l'entreprise {Cass. soc., 2 7 juin 2000. n° 99-41.926. Kbibech et a. c/SNC Sohito Alliance Trois Rivières)

¨    Application volontaire d'une convention collective.

L'application volontaire d'une convention collective aux salariés de l'entreprise alors que l'entreprise n'y est pas normalement soumise, constitue un engagement unilatéral de l'employeur (voir n° 1523). L'employeur peut donc y mettre fin en respectant la procédure de dénonciation des usages et engagements unilatéraux (Cass. soc.. 31 janv. 1996. n° 93-41.254. Sté Indre bureautique services c/Fouquet) (voir n°» 2085 et 2090).

'Le fait de dénoncer cet engagement met fin à l'application de la convention aux salariés de l'entreprise sans qu'il y ait lieu à maintien des avantages individuels acquis (contrairement à la dénonciation d'un accord collectif) (voir n° 1519).

ACCORD ATYPIQUE

¨    Définition.

Constitue un accord atypique l'accord signé par l'employeur qui ne répond pas aux conditions de conclusion d'un accord collectif (voir n°" 1541 et 1542). Si cet accord ne peut produire les effets d'un accord collectif, il vaut, en revanche, engagement unilatéral de l'employeur.

Sont les accords atypiques :

·         l'accord qui n'a pas fait l'objet d'un écrit. Un accord collectif devant être écrit, s'il est simplement oral. il ne peut acquérir la force obligatoire d'un accord. En revanche, il peut constituer un engagement unilatéral de l'employeur dès lors que la volonté de s'engager est démontrée (Cass. soc., 26 mars 1997. n° 94-43.146. Sté Gadso c/Peyret) ;

·         l'accord signé avec des salariés n'ayant pas la qualité de délégués syndicaux (Cass. soc.. 15juill. 1998. n° 96-41.1 18. Centre de gestion de comptabilité fiscale agricole de l'Oise c/Delon) :

·         l'accord conclu avec le comité d'entreprise (Cass. soc., 18 mars 1997. n° 93-43.989. Sté Allianz via assurances /ARD c/Vialle et a.) ou avec des délégués du personnel.

RECOMMANDATION PATRONALE

¨    Définition.

Une recommandation patronale est une décision unilatérale d'un groupement ou d'un syndicat d'employeur qui s'impose à tous ses adhérents (Cass. soc., 29 juin 1999, n° 98-44.348. Transports Fumeron c/Aksan et a.). La recommandation patronale n'a pas la nature d'un accord collectif et ne peut donc revenir sur des droits prévus par une convention collective.

Une recommandation patronale ne s'impose aux entreprises adhérentes que si :

·         les statuts du groupement ou syndicat d'employeurs lui permettent de prendre une décision obligatoire pour ses membres. Si les statuts autorisent la conclusion d'un accord collectif, il semble qu'on puisse en déduire que le syndicat d'employeurs est autorisé à émettre des recommandations patronales, sauf dispositions statutaires contraires ;

·         la recommandation patronale a été diffusée à l'ensemble des entreprises adhérentes ;

·         les termes utilisés sont clairs et précis afin de ne laisser place à aucune équivoque s'agissant de la portée et du contenu de la recommandation patronale.

 

MODIFICATION OU SUPPRESSION D'UN USAGE OU D'UN ENGAGEMENT UNILATÉRAL

Dénonciation

Remarque               MODALITÉS DE DÉNONCIATION
• La dénonciation, par l'employeur, d'un engagement unilatéral doit, pour être régulière, être précédée d'un préavis suffisant pour permettre des négociations et être notifiée, outre aux représentants du personnel, à tous les salariés individuellement s'il s'agit d'une disposition qui leur profite (tel l'octroi de huit jours de congés supplémentaires et de six jours de congés formation, comme en l'espèce). La dénonciation ne peut être effective qu'à une date postérieure à ces formalités.
Cass. soc., 20 juin 2000, n° 98-43.395 P, Argillet-Barre et autres c/CAF de Seine-Saint-Denis et autres

¨    Principe.

L'usage, l'engagement unilatéral ou l'accord atypique doit s'appliquer tant qu'il n'a pas été régulièrement dénoncé. Il ne peut cesser du simple fait du non-respect de ses engagements par l'employeur ou de l'absence de réclamations de la part des salariés {Cass. soc.. 23 oct. 1991. n° 90-40.168. Rondonyc/Méli). Ainsi le non-respect pendant une année de l'usage ne conduit pas à sa disparition. L'usage non dénoncé doit continuer à s'appliquer au salarié {Cass. soc., 27 mai 1997. n° 95-40.651. Barrège c/Sté Jacob Delafon).

La dénonciation suppose :

·         une information des représentants du personnel ;

·         une information individuelle des salariés ;

·         le respect d'un délai suffisant entre cette information et la fin de l'application de l'usage afin de permettre l'engagement d'éventuelles négociations.

L'usage ou l'engagement unilatéral ne peut cesser de produire effet qu'à une date postérieure à l'accomplissement de l'ensemble de ces formalités. Ainsi, l'employeur ne peut décider que la dénonciation prendra effet rétroactivement, a une date antérieure à l'information des représentants du personnel {Cass. soc.. 20 juin 2000. n° 98-43.395. Argillet-Barre et a. c/Ca/sse d'allocations familiales de Seine-Saint-Denis et a. ).

¨    Information des représentants du personnel.

La dénonciation doit être précédée d'une information des représentants du personnel (le comité d'entreprise, à défaut les délégués du personnel). Cette information peut se réaliser par une déclaration à l'occasion de la réunion mensuelle du comité (Cass. soc.. 14 mars 1999, n° 97-40.841. Moulin c/Sté Marcillat). Mais, il est conseillé d'adresser une dénonciation écrite individuelle aux représentants du personnel absents lors de la réunion. A l'inverse, l'usage ou l'engagement unilatéral n'est pas régulièrement dénoncé lorsque seul le secrétaire du comité d'entreprise et certains délégués du personnel en ont été informés (Cass. soc.. 1 1 févr. 1997, n° 94-41.469. Sté l'Entreprise industrielle c/Loucif).

En outre, lorsque l'usage ou l'engagement unilatéral dénoncé concerne les conditions d'emploi, de qualification et de rémunération des salariés, sa dénonciation doit faire l'objet d'une véritable consultation préalable du comité. L'information sur la dénonciation interviendra alors à cette occasion.

¨    Information des salariés.

Lorsque l'employeur dénonce un usage ou un engagement, il doit nécessairement procéder à une notification individuelle à tous les salariés concernés de sa décision de dénonciation. A défaut, l'usage ou l'engagement est maintenu (Cass. soc.. 7juill. 1998. rft 96-42.521, Rancurel c/Ugue de l'enseignement et de l'éducation permanente).

Chaque salarié concerné par l'usage ou l'engagement doit être informé de sa dénonciation. En revanche, ceux qui ne peuvent prétendre bénéficier de l'usage n'ont pas à l'être. Pour des raisons de preuve, il est préférable d'informer les salariés par lettre recommandée avec AR ou lettre remise en main propre contre signature.

Ne constitue pas une dénonciation régulière :

·         un communiqué affiché dans l'entreprise (Cass. soc., 3 déc. 1997, n° 95-45.257. Sté Jeumont Schneider c/Rouard et a.).

·         une information tant par l'intermédiaire des délégués du personnel que par la diffusion d'une note interne à l'intention du groupe des salariés concernés (Cass. soc., 29jam. 1997. n° 94-44.971. Association d'aide aux personnes âgées du Bassin Potassique c/Have) ,

·         une dénonciation verbale ou l'information selon laquelle la prime de fin d'année ne sera pas versée par le nouvel employeur (Cass. soc., 7 mai 1996. n° 93-44.289. Stè Lesnedis c/Cabon et a.).

¨    Délai de prévenance suffisant.

Un délai de prévenance doit s'écouler entre la décision de dénoncer l'usage ou l'engagement et la fin de son application. Ce délai peut être mis à profit pour négocier les conséquences de la dénonciation (Cass. soc, 11 févr. 1997. n° 9441.469, Sté l'Entreprise industrielle c/Loucif). Cependant, l'employeur n'a pas l'obligation d'entamer des négociations.

Le délai commence à partir du moment où les salariés sont informés de la dénonciation. Aucune durée minimale n'est fixée par le Code du travail. 11 convient pour la déterminer de s'attacher à la taille de l'entreprise, l'importance du changement, l'importance et la durée d'application de l'usage... Par exemple, le délai de prévenance a été jugé insuffisant s'agissant d'une dénonciation le 1er décembre d'un usage instituant un treizième mois payé le 31 décembre. En revanche, le délai est suffisant lorsque la dénonciation du même usage intervient en mai.

Ce délai n'est pas nécessairement de trois mois comme pour la dénonciation d'un accord ou d'une convention collective (Cass. soc., 12 févr. 199 7. n° 96-40.983. APEI Centre « Les Hirondelles » c/Attanasio) (voir n° 1518).

¨    Motif de la dénonciation.

La dénonciation n'a pas à être motivée : l'employeur ne doit pas apporter de justifications à l'appui de sa décision (Cass. soc, 13 févr. 1996. n° 92-42.066. Sté CFTA c/Abderrahman).

Toutefois, s'il est établi que le motif à l'origine de la décision de l'employeur est illicite, la dénonciation de l'usage est inopposable au salarié. Il en est ainsi lorsque la dénonciation de l'usage :

·         est une riposte à un préavis de grève déposé dans l'entreprise (Cass. 231 pli soc.. 13 févr. 1996. n° 92-42.067. Sté CFTA c/Abderrahman) ,

·         constitue une mesure de rétorsion destinée à entraver l'exercice de la mission des membres du CHSCT (Cass. soc., 26 nov. 1996, n° 95-60.987. SA Hurel-Dubois c/Pallavicini et a.).

¨    Effets de la dénonciation.

Après dénonciation régulière de l'usage ou de l'engagement unilatéral, les salariés ne peuvent prétendre au maintien des avantages collectifs ou individuels qui en découlaient. S'ils refusent de se conformer aux changements intervenus en raison de la dénonciation de l'usage ou de l'engagement unilatéral, ils pourront alors être sanctionnés voire licenciés pour faute grave (Cass. soc.. 10 févr. 1998, n° 95-42.543. SEIA c/Fontalbart).

Les salariés ne peuvent pas non plus invoquer la modification de leur contrat de travail car les avantages résultant d'un usage ou engagement unilatéral ne s'incorporent pas au contrat de travail (Cass. soc., 31 jam. 1996. n° 93-42.008. Ythier c/Sté L'Idéal). A cet égard, la remise lors de l'embauche d'un document résumant les usages n'a pas pour effet de les contractualiser (Cass. soc.. 11 jam. 2000, n° 9 7-44.148, Loussier c/IBM). Cependant, si l'employeur sollicite l'accord des salariés à la remise en cause d'un usage. les juges considèrent que, de ce fait, l'avantage prévu par l'usage s'incorpore au contrat de travail {Cass. soc., 310 p 14 5 oct. 1999. n° 97-45.733. Perrot et a. c/Filature de Cheniménil).

Si la dénonciation de l'usage ou de l'engagement est irrégulière, il reste en vigueur (Cass. soc., 13 févr. 1996. rfl 93-42.309. Sté M et N Euro production c/Carreau et a.).

 

Remplacement par un accord collectif

¨    Principe.

Lorsqu'un accord collectif ayant le même objet que l'usage ou l'engagement unilatéral est conclu, il s'y substitue (Cass. soc.. 28 janv. 1998. n° 95-45.220. Nicolas et a. c/CEA). L'usage cesse alors d'être appliqué, même s'il s'avérait plus favorable que l'accord collectif (Cass. soc., 19déc. 1990.n° 87-43.568. Chaubaudc/GIELafargeCoppeeRecherche).

Il n'est pas nécessaire que l'accord collectif stipule qu'il remplace l'usage : dès lors qu'ils ont le même objet, l'accord s'applique, mettant ainsi fin à l'usage, sans qu'il soit nécessaire de procéder à sa dénonciation régulière (Cass. soc.. 19 nov. 1997. n° 94-43.223. Anelli et a. c/Sté Manducher). En revanche, s'ils n'ont pas le même objet, l'accord collectif ne met pas fin à l'usage (Cass. soc 9 juill. 1996. n° 93-40.865.Sté Régie Régir c/Padieu et a.).

Ce nouvel accord peut prévoir le maintien des avantages acquis antérieurement à son entrée en vigueur. Dans ce cas. l'avantage qui résultait de l'usage ou de l'engagement unilatéral, lequel a disparu du fait du nouvel accord collectif, est considéré comme un avantage acquis (voir n° 1519) qui s'incorpore au contrat de travail et dont les salariés peuvent continuer à bénéficier {Cass. soc, 14 juin 2000. n° 98-41.703. URSSME c/Dore et a).

Nota                                 Attention ! Seuls les accords ayant la qualité d'accord collectif de travail ont cet effet. Un « accord atypique » (voir n° 2083) ne peut se substituer à un usage ou engagement unilatéral ; il sera nécessaire de dénoncer l'usage au préalable.

 

Transfert d'entreprise

¨    Transfert des usages et engagements unilatéraux.

En cas de modification de la situation juridique de l’employeur, par fusion, scission, mise en location gérance... entraînant un changement légal d'employeur (voir nos 129 et 159). les usages et engagements unilatéraux sont transmis au nouvel employeur. S'il souhaite se soustraire aux usages et engagements unilatéraux appliqués par le précédent employeur. il devra soit les dénoncer, soit conclure un accord collectif ayant le même objet {Cass. soc.. 7 mai 1996. n" 93-44.289. Sté Lesnedis c/Cabon et a. : Cass. soc.. 6 juin 2000. n° 98-40.289. Sté Unibail participations c/GiuHacci).

Le fait qu'il existe dans l'entreprise d'accueil des accords collectifs ou usages ayant le même objet que les usages et engagements transférés ne remet pas en cause ces derniers. En revanche, s'il est conclu un accord d'adaptation dans l'entreprise d'accueil pour régler les problèmes du transfert, celui-ci peut mettre fin aux usages et engagements transférés.

 

Remise au salarié lors de l'embauche

¨   Absence de caractère contractuel

Cass. soc.,11 janvier 2000, n° 97-44.148 P, Loussier c/Sté IBM

La remise au salarié, lors de son embauche, d'un document résumant les usages et les engagements unilatéraux de l'employeur n'a pas pour effet de contractualiser les avantages qui y sont décrits.

L'usage et le contrat de travail sont deux sources de droit nettement différenciées, qui ont connu des évolutions inverses. Le contrat de travail est une source privilégiée, protecteur des intérêts du salarié et qui a fait l'objet d'une jurisprudence abondante de la Cour de cassation. Quant à l'usage, il constitue selon la doctrine « une source autonome en régression » (« Droit du travail, Droit vivant », Jean-Emmanuel Ray, 8e éd, n° 24, éd. Liaisons). En principe, depuis l'arrêt Deschamps (Cass. soc., 25 février 1988, n° 85-40.824, Deschamps, Bull. n° 139) l'usage ne s'incorpore pas au contrat de travail.

La question posée par l'arrêt ici commenté porte sur l'éventuel caractère contractuel de l'usage. Un document remis au salarié lors de son recrutement revêt-il un caractère contractuel ?

¨    Une logique d'information

La société IBM distribue au moment de l'embauche de chaque salarié un document intitulé « IBM votre compagnie » qui résume les usages et engagements unilatéraux de l'employeur. Un des chapitres détaille les éléments constitutifs de la rémunération. À la remise du document, le salarié nouvellement recruté doit attester qu'il a pris connaissance de sa teneur. Doit-on conclure de ce « rituel », du processus employé que le salarié est censé avoir accepté les dispositions du document, et par suite, que celui-ci se soit intégré au contrat de travail.

L'alternative est alors la suivante : soit le document remis au salarié est une annexe du contrat de travail, soit il est destiné essentiellement à l'information des nouveaux embauchés.

La chambre sociale de la Cour de cassation opte pour la deuxième branche de l'alternative : « la remise au salarié, lors de son embauche, d'un document résumant les usages et les engagements unilatéraux de l'employeur n'a pas pour effet de contractualiser les avantages qui y sont décrits ». C'est donc une pure logique d'information que poursuit ici l'employeur.

En conséquence, lorsque l'usage est régulièrement dénoncé (information individuelle des salariés et des institutions représentatives, observation d'un délai de prévenance), son bénéfice disparaît.

En l'espèce, un des usages figurant dans le document remis aux nouveaux recrutés instaurait pour les salariés atteignant vingt cinq années de présence dans l'entreprise une prime, ainsi qu'une remise d'accessoires commémoratifs. Cet usage est dénoncé par l'employeur. Postérieurement à la dénonciation, un salarié prétend remplir les conditions pour bénéficier de cette prime. L'usage n'ayant pas été contractualisé, l'intéressé ne peut donc y prétendre.

¨    L'éventuel caractère contractuel de l'usage

Cet arrêt doit être mis en perspective avec un autre arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. soc., 5 octobre 1999, n° 97-45.733 P + B, Perrot et autres c/SA Filature de Chenimenil, Juris. Hebdo. n° 645 du 18 octobre 1999) dans lequel elle avait décidé que « dès l'instant qu'une note [...] sollicitait l'accord des salariés à la remise en cause de l'avantage [...] (prévu par un usage) elle en confirmait le caractère contractuel ». En sollicitant l'avis des salariés, l'employeur a contractualisé l'usage. Cette situation est certes différente de celle qui nous préoccupe dans l'arrêt IBM, qui vise l'information du salarié au moment de son recrutement. Mais il n'est pas aisé de distinguer l'hypothèse où on exige des salariés qu'ils se prononcent sur l'usage (arrêt Perrot) de celle où ils doivent attester en avoir pris connaissance (arrêt IBM).

La question du fait générateur de la contractualisation de l'usage se pose.